Quelle finesse dans l'incarnation !

 

  Quelle apparente facilité à donner vie à un personnage aussi complexe et aussi insaisissable que Brunhilde Pomsel !

 

  Cela relève de la gageure.

 

 Judith Magre y arrive pourtant avec une justesse inouïe. 

 

 Son visage très mobile dit beaucoup, et les inflexions de sa belle voix grave donnent un relief extraordinaire à son interprétation.

 

 On ne se lasse pas d'entendre la secrétaire de Goebbels raconter sa vie car on n'arrive pas à trancher : est-elle sincère ?

 

 Ne savait-elle rien ?

 

 Quoi qu'il en soit, Judith Magre est tellement habitée qu'on est pris par son récit. 

 

 C'est un véritable tour de force que de captiver son auditoire pendant plus d'une heure en étant seule sur scène.

 

 On ressent beaucoup d'émotions, de frissons. La palette de Judith Magre est impressionnante.

 

 Rendons hommage au passage à Thierry Harcourt pour la sobriété de sa mise en scène. Il a eu raison de ne pas utiliser la vidéo car Judith Magre a une très belle présence, qui rend ce média superflu.

 

 Le choix d'un décor assez simple, composé d'une table, d'une chaise, de livres, de photographies, d'un cahier... est un choix audacieux, qui fonctionne parfaitement. 

 

 Thierry Harcourt fait confiance à l'intelligence du spectateur, à sa capacité à sentir les choses sans qu'elles soient surlignées.

 

 La belle traduction de Dominique Hollier est bien mise en valeur par Judith Magre.

 

 Judith Magre m'a fait redécouvrir le texte, que j'avais lu quelques heures auparavant, tant elle habite son personnage.

 

 D'ailleurs, lors de la représentation, elle est tellement imprégnée de Brunhilde Pomsel que quand un mot ne lui vient pas, son esprit lui en suggère un autre très approchant et peut-être même plus approprié puisqu'elle est le personnage. Ainsi, au lieu de dire une comédie "assez stupide", elle dit une comédie "barbante" et c'était tellement naturel que j'ai cru que c'était fait exprès.

 

 C'est un spectacle intelligent et subtil qui ravira les plus exigeants.

 

 

Publié le 3 octobre 2022.

Au théâtre de Poche Montparnasse.