Impressionnant ! Une pièce à l'esthétique très travaillée avec des personnages ayant une épaisseur psychologique appréciable et dont le propos, d'une grande densité, est loin d'être consensuel.

 

 Bertrand de Roffignac propose un spectacle avant-gardiste admirablement interprété avec des chorégraphies très abouties, qui est une satire très incisive et dérangeante de notre société.

 

 C'est une attaque en règle des mœurs et de la politique de notre temps à travers un récit narré tambour battant où s'affrontent deux visions du monde diamétralement opposées mais qui aboutissent à l'évolution d'un système décrié et non à la révolution tant attendue.

 

 On songe à la phrase de Lampedusa dans Le Guépard : 《Il faut que tout change pour que rien ne change》. Cette pièce ne fait aucune concession sur le plan des idées, poussant le spectateur à s'interroger sur les fondements de notre société.

 

 À travers la supprématie de l'industrie pornographique unitaire de masse et l'accident mortel de son plus célèbre représentant, Nestor Crévelong, nous sommes invités à nous interroger sur l'accès du peuple à la culture et à l'information. 

 

 Il y a un humour noir subtil, des références éloquentes, comme l'utilisation de la musique de Faites entrer l'accusé lors d'une scène de crime et qui montre que l'auteur sait manier l'ironie. 

 

 Bertrand de Roffignac se joue de tous les codes avec brio, pour notre plus grand plaisir.

 

 Dans la société aux mains d'un parti unique, la multinationale 《Lessive brillante》est omniprésente, nous rappelant les intérêts financiers colossaux à l'œuvre dans les sociétés modernes et incompatibles avec les intérêts des gouvernés. 

 

 La satire des médias, le culte de l'argent, l'hypocrisie, les laissés-pour-compte, tout est passé en revue avec un regard acéré.

 

 Les excentriques sont légions dans cette société malade où le narrateur décide de les laisser s'exprimer tour à tour, tout en avertissant l'auditoire de ne pas trop les prendre au sérieux.

 

 L'univers singulier présenté est extrêmement riche et soulève des questions philosophiques fondamentales.

 

 La quête de l'immortalité à tout prix, l'égoïsme forcené sont abordés dans des scènes d'anthologie qui ne manquent pas de créer un malaise car Bertrand de Roffignac ne s'interdit rien et surtout pas de dépeindre les travers des êtres, qui apparaissent alors sous un jour peu flatteur.

 

 Ainsi, la mère de Nestor, devient une furie assoiffée de reconnaissance dans ses accès de rage glaçants mais finalement risibles tant elle est dans l'excès et prompte à se radoucir quand on lui fait des propositions qui flattent son ego.

 

On ne peut que saluer le travail titanesque des artisans de cette pièce innovante et spectaculaire qui ne manquera pas de surprendre et de choquer.

 

 Il est nécessaire de la voir plusieurs fois pour tout saisir tant le propos est exigeant.

 

 

Publié le 14 décembre 2023

Au 104 ce soir.